Quelqu’un m’a interpellée sur cette info, la première intelligence artificielle pour PDG en Chine, avec « l’impression de relire Les déliés ». Dans ce roman d’anticipation j’imaginais que nous avions élu une IA, certains par technoidôlatrie, d’autres convaincus qu’en la programmant avec des données écologiques, sociales, économiques, historiques, de psychologie humaine, incorruptible, elle prendrait des décisions rationnelles pour le bien de l’humanité, nos élites en étant incapables.
Évidemment cette PDG chinoise est flippante on imagine bien que cette IA est programmée à la productivité de court terme, quoi qu’il en coûte. Mon IA, quant à elle, était un prétexte, une façon d’aller au bout de la logique technogogo. Elle me permettait surtout de m’interroger froidement: pourquoi l’espèce humaine mériterait-elle de reprendre le pouvoir ? Où la grandeur de l’humanité peut-elle se loger ? Quelle est sa singularité, sa supériorité sur l’IA ?
À lire les révélations sur les messages affligeants d’Elon Musk et ses complices de la silicon valley (cf article L’ADN ), on s’interroge… Un robot ne peut faire pire que ces psycho/sociopathes (absence d’empathie) qui pillent les dernières terres rares (minerais extraits par des gamins de 8 ans + désastres écologiques) dans une ambiance potache, sans but (je ne parle même pas de vision). Un pur caprice d’enfant gâté..
Plus que flippante, cette PDG non-humaine (nouvelle grandement prévisible) est surtout stimulante.
Il est fécond de se laisser pirater (je ne crois pas en l’IA pour dictature et pourtant j’en ai fait une héroïne), de laisser cette nouvelle nous confronter.
La dernière phrase de l’article est révélatrice « sa prise de décision sera toujours rationnelle et logique et jamais altérée par les sentiments ». Le voilà le sujet: est-ce cela qu’il faut éradiquer, les sentiments ? Pourtant ce n’est pas cela qui étouffe les (ir)responsables pilotant le bolide qui fonce dans le mur.
« Les déliés » est l’histoire de citoyennes et citoyens qui font basculer ce monde du côté lumineux. Comme tous les romans il nous permet de traverser nos peurs, nos doutes, nos choix, nos oppositions, nos errements. J’avais surtout envie que nous traversions les brèches possibles pour fissurer ce monde absurde, que nous lisions d’autres perspectives, en un mot que nous traversions notre puissance personnelle, cette humanité que l’on autosabote trop souvent.
Plutôt que de s’exclamer d’horreur de cette IA chinoise, ou de s’en réjouir (touche pas à mon « progrès »!) cultivons l’esprit critique, l’audace, le courage, la créativité, la désobéissance au fatalisme, en un mot l’humanité. Ou nous nous réveillerons gouvernés par des suites de zéro et de un. Vu notre plaisir à être baladés de serveur vocal en touches #, cela ne va pas nous fasciner bien longtemps.