Délit d’espoir

Est-il décent maintenant de ramener la fraise de l’espoir ?

Article où il est question
de la culture de la résignation, cette fourbe,
du tragique qui met à rude épreuve notre espoir, le sens de la vie, nos utopies, tant autant qu’il les convoque,
d’Histoire, où l’on apprend que du tragique naît le sublime
d’espoir radical, aussi appelé espérance à l’opposé de l’optimisme qui se berce d’illusions
Où l’on distingue l’écume en surface des courants plus profonds.

 

Les Suffragettes défendent et obtiennent le droit de vote pendant la Première Guerre mondiale
Les congés payés sont arrachés en pleine Europe fasciste
La sécurité sociale est pensée par le Conseil National de la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale.
Au même moment, internée au camp de Ravensbrück Germaine Tillion, ethnologue et résistante, réfléchit, donne une conférence clandestine, compose une opérette (avec de l’humour donc). Elle tient sous l’horreur, s’en sort. Elle écrira sur la Guerre d’Algérie Les ennemis complémentaires, concept majeur.

Point commun ?  L’espoir radical, parfois appelé espérance.  Le sublime par-delà le tragique.

Le tragique met notre espoir et nos utopies à l’épreuve. Mieux, il les convoque. C’est maintenant ou jamais.
Arraché·es à la routine, extirpé·es du déni, remonte la meilleure carte que nous ayons en main : l’espoir radical.
Celles et ceux qui l’ont et le soignent, écrivent la plus belle part de notre Histoire. C’est leur espoir, leur détermination qui permettent une sortie des ténèbres.
À l’opposé de l’optimisme qui se berce d’illusions et d’inaction, l’espoir radical est indissociable de la lucidité. Il est le désespoir jaugé, surmonté.
Il naît du discernement et du courage.

Sans espoir, nos vies n’ont plus aucun sens.
Sans espoir, le camp de l’ombre gagne. Et il le sait.

Ce qui me terrorise le plus,
ce n’est ni la crise écologique, ni la crise démocratique, ni la violence sociale, ni l’atteinte portée aux femmes, aux enfants, aux minorités, aux migrants (et pourtant j’y suis sensible jusque dans ma chaire), Ce qui me terrorise  c’est le sabotage de la foi en notre humanité, c’est l’amputation de la force en nous.
Ce qui m’horripile c’est la culture de la résignation.
Ce qui m’attriste ce sont nos vies de poulets sans tête, sans horizon commun.

S’enfermer dans la peur, céder au désespoir, consentir à la culpabilité, raser les murs, sont des affronts à la vie.

L’absence d’espoir a vidé l’époque de vision et nos vies de sens.
On peut mourir à petit feu d’une vie insignifiante, de l’absence d’horizon commun. On en arrive à des gestes définitifs, des votes contre nos intérêts, des choix qui sécurisent, flattent des égo blessés.
En se laissant déconcentrer par un évènement terrible certes, en le laissant nous abattre, on lui sert la victoire sur un plateau.
Il n’y a pas de révolution sans espoir. Pour changer les choses, il faut y croire.

L’espoir radical prend de la hauteur, il voit plus loin, il pense ensemble.

Loin d’un arrangement personnel, l’espoir radical nait d’une conscience de corps social. Le tragique nous réveille, nous révèle plus grand que nous.
L’espoir radical donne à nos vies un sens plus fort, il leur donne de la valeur : l’histoire d’un peuple qui retrouve l’honorabilité, la dignité par un horizon commun. Retrouvant en même temps l’estime de soi et la confiance en l’autre.
Notre espoir est collectif, sans échéance ni contours.
Suspendu entre l’urgence et la patience, on envisage même de ne pas voir ce nouveau monde advenir de notre vivant.
L’espoir radical c’est faire famille. On s’occupe de la maison ensemble, hier, aujourd’hui, demain, chacune, chacun un bout, uni·es en ordre dispersé.

L’espoir radical arrive un matin quand on a renoncé aux faux espoirs, aux mirages matérialistes, à la facilité.
La volonté d’en découdre a cédé le pas … à la confiance. On sait. On sait que ce futur meilleur est déjà là, que des actes se mettent en place, que même si la narration du moment dit le contraire, même si on échoue provisoirement, même si parfois l’abattement est là ; la lumière œuvre, avance, déterminée, sûre d’elle.

Nous distinguons l’écume en surface, l’agitation qui passera, des courants plus profonds, invisibles.
Le mouvement est irréversible. On le sait sans se l’expliquer. On s’abandonne à cette évidence qui nous dépasse.
Alors arrive un nouvel élan.

En même temps que l’on perd ses illusions de contrôle sur la situation, on se détend, on se libère. Plus serein·es, délesté·es de la pression du sauveur, de la sauveuse.

Où le trouve-t-on ? Partout.

L’espoir radical ne se décrète pas, il se rencontre.
Niché dans le moindre émerveillement, dans la vie qui s’obstine, dans le temps retrouvé, un rire d’enfant, un chant d’oiseau, la caresse du vent, une main tendue, nos liens tissés, déliés et retissés. Il suffit d’un rien. Il suffit d’un tout.

Il nous suffit d’écrire, de nous abreuver d’histoires qui font rayonner la puissance de nos humanités, des histoires qui enseignent que les utopies adviennent.
Il nous suffit d’être. Incarner cet espoir le propage, éveille le courage des désespéré·es, autorise l’audace des audacieux·ses en dormance, éclaire les possibles de chaque élément du vivant.

Texte inspiré de l’avis de mobilisation que j’ai écrit pour Les Utopiennes, ouvrage collectif porté par les éd. La Mer Salée. Car ce futur meilleur advenu en 2044 n’a été possible que parce qu’en 2024 il existe un camp de l’espoir radical.

Agacement ravivé par un post qui disait au lendemain des élections US « s’il vous plait pensez à faire des films où ce sont les méchants qui gagnent à la fin, ça préparera les enfants » #culturedelarésignation Non !!!! S’il vous plait faites et propagez des histoires de grands où ce sont les gentil·les qui gagnent, ça stimulera les adultes. #setenirdebout

Lien vers Les Utopiennes bienvenue en 2044

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